Jeudi 05/11/2020
L’AFA vient de publier les résultats de sa vaste enquête lancée en février 2020, sur le niveau de maturité des dispositions anticorruption en entreprise. Un questionnaire en ligne, anonyme et destiné à toutes les entreprises quels que soient leur chiffre d’affaires, leurs effectifs et activités, a ainsi été transmis aux fédérations professionnelles pour diffusion à leurs adhérents.
Près de 2 000 entreprises ont été contactées pour apporter des données actualisées sur l’état de la prévention de la corruption dans le secteur privé. Cette étude est une première pour l’AFA s’agissant des acteurs privés. L’exercice a vocation à être réitéré. Il s’agit d’un premier diagnostic qui va permettre à l’AFA de cibler ses actions et de suivre les évolutions dans le temps.
Entretien avec Claire Andrieux, Adjoint du chef du département de l’appui aux acteurs économiques à l’Agence Française Anticorruption (AFA).
– Trois ans après la loi Sapin II, est-ce que les entreprises ont réalisé des progrès dans l’appropriation des sujets liés à la prévention et la détection d’actes de corruption ?
– Oui, on constate que les entreprises ont le sentiment d’avoir une bonne connaissance de la corruption. Une grande majorité des répondants à notre étude estime ainsi bien connaître l’infraction de corruption (94 %), et plus particulièrement la différence entre corruption active et corruption passive (87 %). Le détournement de fonds publics, le favoritisme, le trafic d’influence ou encore la prise illégale d’intérêt semblent également bien compris et assimilés.
Autre signe de progrès, 70 % des entreprises qui ont répondu à l’étude ont mis en place un dispositif de prévention de la corruption, et ce depuis moins de 3 ans pour près de la moitié des cas. L’entrée en application de la loi Sapin II a clairement eu son effet et cela conforte la mission d’aide de l’AFA.
« Encore des progrès à faire sur certaines pratiques courantes qui peuvent être des situations à risque »
On observe un début de changement de culture d’entreprise. Toutefois, si la grosse corruption se conçoit et s’appréhende bien, cela reste encore beaucoup moins vrai pour certaines pratiques courantes qui peuvent être des situations à risque. Il faut que les entreprises travaillent à mieux encadrer des pratiques ordinaires, comme les cadeaux et invitations, pour se protéger et sécuriser l’ensemble de leurs collaborateurs. En matière de lutte contre la corruption, il faut sensibiliser tous les salariés et former spécifiquement les personnes qui occupent des postes sensibles.
– En revanche, le nombre de sanctions à la clef demeure relativement faible…
– L’étude fait ressortir qu’1 entreprise sur 5 (22 % exactement) a été confrontée à un cas de corruption au cours des 5 dernières années. Mais effectivement, seules 51 % d’entre elles ont engagé une procédure disciplinaire pour ces faits, procédures qui ont TOUTES abouti à une sanction disciplinaire. Seules 20 % d’entre elles ont accompagné la sanction disciplinaire d’une plainte pénale et ces plaintes n’ont donné lieu à condamnation que dans 11 % des cas.
« Le responsable conformité ne donne son avis sur les grands projets stratégiques que dans 25 % des cas »
A lire aussi : Des codes de conduite encore trop standards et peu concrets
– Quels sont, dans les dispositifs anticorruption mis en place par les entreprises, les points à renforcer ?
– Les dispositifs sont dans leur majorité encore incomplets. Le code de conduite est assez bien déployé, 85 % des entreprises en sont dotées. C’est un peu moins bien pour ce qui est des actions de formation et de prévention (56 %), de dispositif d’alerte interne (61 %) ou de contrôle interne (56 %). En revanche, il y a encore des progrès conséquents à faire en matière de responsable conformité (48 % seulement des entreprises en ont un), de cartographie des risques (53 %), et de procédure d’évaluation des tiers (39 %). Pour ce qui est de l’identification des risques, si les directions des achats, ou le commerce, sont perçues comme étant plus exposées que d’autres aux risques de corruption, d’autres se révèlent encore être en dehors du spectre de vigilance. Pourtant, les fusions et acquisitions, les ressources humaines, le juridique ou encore la communication peuvent tout à fait se retrouver en situation de risques.
Concernant le responsable de la conformité, s’il est bien rattaché à la direction générale dans près de 70 % des entreprises, il ne siège au comité de direction que dans 28 % des cas. Et il ne donne son avis sur les projets stratégiques (nouveaux marchés, nouveaux produits, fusions & acquisitions…) que dans un quart des cas. C’est également un axe de progrès.
À noter : l’étude de l’AFA consacre un volet important aux PME et petites ETI non-assujetties à l’article 17 de la loi Sapin II.
Diagnostic national sur les dispositifs anticorruption dans les entreprises
Propos recueillis par Beñat Caujolle
Pour toute question ou demande de renseignements, contactez-nous : labradorleblog@labrador-company.com