Rémunération verte, la clef du changement

Jeudi 03/02/2022

Dans une lettre à la Commission européenne, une vingtaine de présidents de grands groupes européens appellent à « verdir » la rémunération variable des cadres exécutifs des entreprises. Pour eux, il faut conditionner une partie des bonus à la réalisation d’objectifs extra-financiers.

Entretien avec Hélène Solignac, experte Labrador en gouvernance d’entreprise

Cette initiative vous a-t-elle surprise ?

Veolia, Engie, MAIF… Les grandes entreprises signataires sont connues comme étant assez offensives sur les questions de développement durable. Cela fait partie de leurs préoccupations et certaines d’entre elles intègrent vraisemblablement déjà des critères sociaux et environnementaux dans le calcul des bonus du management exécutif. Aujourd’hui, les présidents de ces grands groupes européens veulent un texte qui impose à une cible très large d’entreprises, une rémunération verte, c’est à dire la prise en compte de la dimension extra-financière dans la rémunération variable des dirigeants opérationnels, au-delà des critères financiers à court terme.
Cela concerne les responsables qui ne sont pas dirigeants mandataires sociaux, soumis eux au Say on Pay et dont les rémunérations variables intègrent déjà des critères dits ESG. C’est finalement la suite logique des choses. La Directive européenne sur les droits des actionnaires, transposée en droit français en 2019, prévoit que la rémunération des dirigeants mandataires sociaux doit être en cohérence avec la politique de rémunération de l’ensemble de l’entreprise. Bien que sans pouvoir de décision directe en ce qui concerne les dirigeants opérationnels, il revient au comité des rémunérations et au conseil d’administration de s’en assurer.

« Il est cohérent que la dimension RSE irrigue toute l’entreprise »

 

Quel est son principal mérite ?

La stratégie RSE s’inscrit dans la stratégie globale de l’entreprise. Le conseil est là pour s’assurer de la bonne mise en œuvre de celle-ci et la politique de rémunération verte applicable aux collaborateurs peut jouer un rôle incitatif dans l’atteinte des objectifs RSE qui ont été définis. Le Code AFEP-MEDEF rappelle que « la rémunération des dirigeants mandataires sociaux doit être compétitive, adaptée à la stratégie et au contexte de l’entreprise et doit avoir notamment pour objectif de promouvoir la performance et la compétitivité́ de celle-ci sur le moyen et long terme en intégrant un ou plusieurs critères liés à la responsabilitéś sociale et environnementale ».

« Des indicateurs lisibles et suffisamment exigeants »

 

Nous sommes bien ici sur des logiques qui se répondent. Il est cohérent que la dimension RSE irrigue toute l’entreprise. Il s’agit là de nouveaux outils permettant de sortir des injonctions souvent contradictoires, entre le court et le moyen terme, entre le financier et l’extra-financier.

Quels sont les points d’attention, les points de vigilance à cette initiative ?

Il y en a plusieurs. Et ils sont importants. Tout d’abord, dans la définition des indicateurs. Ces derniers doivent être lisibles et suffisamment exigeants, en lien direct avec la stratégie RSE de l’entreprise. Il faut aussi s’assurer que les dirigeants exécutifs concernés aient bien dans l’exercice de leurs fonctions ou de leurs responsabilités un levier sur l’atteinte de ces objectifs.

Enfin, Pascal Canfin, Député européen et Président de la Commission de l’environnement, de la santé publique et de la sécurité alimentaire, et signataire de la lettre à la Commission européenne, souhaite que toutes les entreprises de plus de 250 salariés, cotées ou non, soient concernées par le texte. Il ne faudrait pas que cette nouvelle contrainte donne naissance à un cadre trop rigide pour bon nombre d’entreprises, notamment pour les plus petites. Les situations, les secteurs, sont en effet très différents et l’objectif de la politique de rémunération est d’attirer, de fidéliser et de motiver les talents.  Et la France a souvent tendance à « surtransposer » les textes européens.

LA RECOMMANDATION LABRADOR

Décliner dès maintenant les indicateurs de la DPEF aux niveaux opérationnels dans l’entreprise et les intégrer dans la rémunération variable pour faciliter l’appropriation des enjeux RSE.

Propos recueillis par Beñat Caujolle

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